On se sent un peu cons d’être passé à côté de cette sortie en début d’année. Une sortie rafraîchissante dont on aurait tort de ne pas vous en parler. Mais faute avouée à moitié pardonnée, non ? Composé de 5 titres, ce premier EP de GRANDMA’S ASHES, est une excellente preuve du talent de ce trio parisien rock composé d’Eva, Edith et Myriam. Si celui-ci a été composé et enregistré sur plus de 2 ans ce n’est qu’en janvier dernier donc que le groupe décide de le dévoiler pleinement. Expérimenter et triturer plutôt que tout figer, maitriser leur patte plutôt que précipiter les choses, tels étaient les mots d’ordre.
S’illustrant en couverture en trois Parques statufiées dans le marbre, Grandma’s Ashes semble vouloir justement démontrer la parfaite maitrise de son destin avec cet EP, précisément intitulé « The Fates ». Nos trois parisiennes s’inspirent du célèbre mythe greco-romain sur les divinités maîtresses de la destinée humaine, de la naissance jusqu’à la mort. Le fil qui se déroule, c’est leur musique, une belle métaphore sur le lien qui les unit toutes les trois : l’une tient le rouet et démarre la chanson, la seconde dévide le fil et le tend, la dernière le coupe pour l’arrêter. Une manière pour elles d’aborder également les destins souvent funestes des personnages de leurs chansons. Mais si le propos paraît sombre, le ton est souvent désinvolte et le plus souvent évoqué avec beaucoup de dérision. On ne peut que vous inviter à mater le clip de l’extrait « Daddy’s Issues » pour s’en convaincre. Ça vous changera des pochettes de barbus éreintés et dépressifs qui tirent la tronche.
Côté son, il est très interessant d’entendre la combinaison des différentes influences du trio : prog 70’s, stoner, rock et… musique classique. Si le socle est construit sur des riffs stoner, Grandma’s Ashes préfère les récits pop que les mises en orbite propice à la défonce. En cela, Grandma’s Ashes marche dans les pas de Queens of The Stone Age mais apporte une touche plus aérienne, plus poétique et narrative — presque baroque – et tranche avec les tubes convulsifs et intoxiqués de Josh Homme.
Mais c’est surtout Eva, forte et sûre d’elle, qui tire le groupe vers le haut. La jeune femme promène une voix singulière (dans le rock) sur des mélodies inspirées et travaillées. Ses complices proposent une instrumentation heavy mais jamais plombée, magnifiant les échappées vocales de leur chanteuse. On est donc plongé dans un rock 90’s aux codes anglo-saxons prononcés, sublimé par une élégance et un lyrisme trop rares dans le rock actuel. Il faut chercher du coté d’Anna Calvi ou de Matthew Bellamy des premiers Muse pour retrouver pareille approche.
A l’instar de ces bustes de déesses très dignes, le jeune trio peut être fier de son travail. Ce sont là cinq remèdes rock à la morosité ambiante, à base de mélodies enchanteresses, de guitares magiques et vigoureuses, et d’une voix ensorcelante qui vous hante pour longtemps.
Last modified: 30 mars 2021