Qu’on se le dise tout net, nous sommes foutus. Pas besoin de prédictions mayas ou de Paco Rabanne pour se rendre à l’évidence : le monde moderne s’écroule et court à l’échec. Nous vivons tels des parasites sur une Terre nourricière et si vous n’en êtes pas encore persuadés, un pangolin vient vous rappeler que l’Humanité n’est rien. Qui sait quelle saloperie nous mettrons à jour dès lors que nous aurons détruit la dernière parcelle de forêt primitive de la surface du globe…
Certains y voient les manifestations de l’Apocalypse, le plus illustre récit de la fin du monde écrit par Saint Jean, l’apôtre. Il y décrit de grands cataclysmes avant le retour de Jésus Christ sur Terre. L’Apocalypse est donc une « Révélation » pour le monde chrétien, une allégorie du triomphe du Bien sur les forces du Mal. Ce « Collapse & Fail » serait alors l’antinomie de cette « Révélation » tant les bretons de STONEBIRDS, avec ce troisième album aussi brutal que désabusé, annihilent tout espoir et dessein de rédemption de l’espèce humaine.
Dès l’ouverture, ils s’en remettent à Dieu (« Only God ») et placent nos existences sous la dépendance directe de Celui qui seul a Autorité. Nous sommes comme immobilisés par un sludge poisseux et gluant, puissant et ravageur, matière noire vous collant à la peau et vous fige à la barre en attente de la sanction divine. Le titre devient alors l’articulation entre le désir créateur de Dieu à l’origine et son jugement lors du dernier jour des Hommes. Sur une folle cadence Mastodonienne, on tente de s’en extraire, de se détourner de l’obscurité lorsqu’elle est en passe de nous engloutir (« Stay Clean »). Mais toute tentative de se soustraire à la damnation est vaine. Les riffs abrasifs se font monolithiques et vertigineux, les parois même de notre lente et douloureuse agonie. Suspendue entre doom et sludge, « Down » est la mélodie du ciel et des enfers lors de la traversée des limbes. Un passage aérien, aux frontières d’un post métal nourri de tout le désespoir de ce bas monde.
Mais la lumière n’est plus (« Turn off the light”). Plus aucune vie. Abandonnez ici rêves et souvenirs, regrets comme remords, ainsi que tout ce qui fait de vous un être humain. Seuls subsistent le sifflement lugubre du vent et l’éclat indifférent des étoiles… Et au final, le claquement des cymbales ressemble beaucoup trop à celui d’une grille qui se referme sur la vie. Vous ne pouvez plus que contempler l’œuvre des Anges de la Désolation sur notre civilisation (« Fade Away »). Spectateur d’un vide béant, seul à errer dans un monde en décrépitude, déroulement d’un infini sordide, vous êtes un fantôme incapable de mourir.
Cependant, comme si la Désolation ne suffisait pas, l’anéantissement semble être la seule issue possible en clôture de cette parabole. En fin plasticien de la noirceur, STONEBIRDS aspire tout l’espace pour générer un silence pesant d’où émergent de ci, de là, quelques notes aliénantes et menaçantes. Mais le silence est une chose bien fragile… il s’efface au premier cri. La noirceur devient incandescente ; elle devient cendre ardente. Le napalm sonore ainsi asséné semble alors inversement proportionnel à l’accalmie précédemment générée. L’effondrement et la perte de notre Humanité méritaient bien cela, aussi vils que nous sommes. L’Apocalypse selon (Saint) Stonebirds, maintenant.
ALBUM : « Collapse and Fail »
LABEL : Ripple Music
SORTIE : 24 juillet 2020
GENRE : Sludge metal/post-metal
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Last modified: 5 novembre 2020