Il existe différentes manières d’exprimer la prise de drogue et leurs effets. Peut être autant que de drogues, peut être autant que de consommateurs. Dans le prisme des possibilités, nous sommes plus enclins à vous narrer ici les vertus d’une musique lourde et enfumée. Mais comme on ne fait jamais rien comme les autres, on a aussi pour habitude de s’aventurer à l’autre bout du spectre du rock psyché pour voir ce qui s’y passe. A l’autre bout du monde. C’est ainsi que nous découvrons les désinvoltes BLACK HEART DEATH CULT, brocanteurs sonores australiens qui ont décidé de nous faire revivre leur révolution psyché tout en Technicolor. Retour à la source de toutes les pops, de toutes les merveilles, un retour à la période sacrée 1965-1967.
Après plusieurs années à peaufiner les sonorités du BLACK HEART DEATH CULT, le sextet délivre ici un album envoûtant, riche en rock c(r)amé version shoegaze. Il redynamise le genre en plaquant sur leur Wall of Noise divers mantras, opiacés sonores et jams kaléidoscopiques pour tracer un nouveau chemin stellaire. Bien sûr, sitars, flûtes et mélopées évanescentes tout en reverb sont au programme. On navigue sur un tapis persan entre différents décors sonores et hallucinogènes : soleil couchant rougeoyant, rêveries spirituelles sépias, swinging London multicolore, doux spleen pourpre, montée de trip acide et bigarée, ouverture des volets de la perception. Mais quelle que soit l’ambiance, la distorsion est toujours omniprésente.
Le shoegaze de BLACK HEART DEATH CULT possède cette remarquable capacité à créer un brouillard sonore diffractant la lumière (« Rainbow Machine », « Davidian Dream Beam » en sont de parfaits exemples). D’un son épais, opaque et monotone naît un faisceau lumineux irradiant leur rock et le visage béat de l’auditeur. Comme cure de soleil, on ne trouvera pas mieux. Une immersion dans un Gange sonique pour atteindre le Moksha, le nirvana hindou.
Mais derrière ce bazar sonore (comme le groupe aime à le décrire) se cache un songwriting habile et une sensibilité mélodique, côtoyant cette pop classieuse des groupes indé de la scène britannique des 90’s, celle justement qui s’inspira fortement de ses illustres aînés des sixties. On atteint des sommets d’écriture, et rien que la chanson « Black Rainbow » vaut à elle seule l’écoute de cet album. Sorte de diamant noir au chatoiement sombre, le titre joue sur cette dualité clair/obscur, mélancolie rayonnante, où le crescendo de guitares finit de vous cramer les neurones.
Le BLACK HEART DEATH CULT c’est un peu tout ça. C’est le pont entre cette Brit Pop sous acide et un rock psyché là où l’avait laissé mourir le Brian Jonestown Massacre. Moins foutraque, plus travaillé, peut être moins spontané mais toujours aussi nonchalant, le sextet se place en digne héritier de la formation protéiforme d’Anton Newcombe. Et ce n’est pas un hasard si l’on retrouve Ricky Maymi, membre originel du BJM à la production. Comme un passeur de relais, celui-ci a su savamment capter le talent de ces Australiens.
Ce n’est pas encore Noël mais la neige est déjà au rendez vous. Guitares, sitars et buvards pour chefs d’oeuvres mauves et bleus et jaunes et pourpres et… BLACK HEART DEATH CULT.
ARTISTE : BLACK HEART DEATH CULT
ALBUM : “Black Heart Death Cult”
DATE DE SORTIE : 18 janvier 2019
LABEL : S/R
GENRE : Rock / garage psyché
MORE : Facebook / Bandcamp
Last modified: 3 avril 2019