Énorme plateau ce soir au Krakatoa avec un trio de tueurs rock’n’roll, dont certains sont beaucoup trop rares dans notre région, et que l’on a plaisir à voir tous réunis sur la même scène ! Au programme : beaucoup de psychédélisme, mais aussi beaucoup de pachydermisme et de spectres obscurs invoqués par trois formations possédant chacune une identité propre, mais qui ont en commun de distribuer des mandales à leur sauce. Le retour des chouchous barbus de KADAVAR (troisième passage à Bordeaux), première venue pour le duo psychopathe MANTAR, et une entité venue directement de l’espace, DEATH ALLEY… (ILLUSTRATION : Razort)
À peine le temps d’admirer un merch bien fourni (dont des lunettes kaléidoscopes faites main dans un look très Mad Max) que nous accueillons déjà le quatuor hollandais DEATH ALLEY. Ces derniers avaient malheureusement dû annuler leur venue aux Make It Sabbathy en début d’année, alors c’est doublement un plaisir de les voir lors de cette soirée qui s’annonce mémorable, malgré un public clairsemé et timide, qui arrive au compte goutte dans la salle… Le groupe n’y prête pas attention et démarre sans prévenir. C’est une énorme baffe qui m’arrive en pleine tête, des sonorités psychédéliques en pagaille qui se mêlent dans une énorme synesthésie de riffs groovy, dignes d’Hawkwind ou Ecstatic Vision. Impossible de ne pas danser, même si on ne connaît pas un seul titre de leur répertoire (majoritairement issus de « Black Magick Boogieland », d’après ce que j’ai cru comprendre). À ces passages ultra énergiques succèdent des phases de voyages interstellaires, alimentés par une Rickebacker et un frontman ultra charismatique qui hypnotise l’assemblée avec sa magnifique moustache d’Astérix. Un show court, mais qui nous a transporté très loin tout en chauffant efficacement la salle.
La chute dans les Enfers s’annonce rude. Très rude. On ne présente plus le duo allemand MANTAR et leur incroyable mélange de hardcore/sludge/black metal haineux et écrasant. Mais le public aurait visiblement eu besoin d’être averti. Tout le monde est soit scotché d’effroi, soit fasciné de curiosité lorsque la batterie se met à taper, et les choses ne vont pas en s’arrangeant lorsque Hanno déchire l’air ambiant avec sa voix inhumaine. Toujours aussi possédé et désarticulé, le guitariste semble entrer dans une transe démoniaque face à son acolyte totalement imperturbable et bourrin. Les trois chandeliers posés au fond de la scène face au gigantesque backdrop accentuent le côté messe noire. C’est la première fois que je les vois en salle, et je n’avais jamais perçu le groupe de cette façon. C’est carrément flippant, toujours lourd bien qu’un peu brouillon (chant pas toujours audible et guitare un peu faible lorsque l’octaver s’arrête) quand on connaît leur discographie parfaite sur tous les points. Des âmes sensibles vont même jusqu’à fuir au bout de quelques morceaux. Il faut dire que Mantar est ce soir la bête noire totalement folle, lâchée sur une scène gigantesque qu’ils savent occuper avec des « Astral Kannibal » ou « Cross the Cross », en passant par la vilaine « Era Borealis ». Il me semble entendre de nouveaux titres, ou alors je n’avais jamais fait attention aux samples balancés qui donnent une autre dimension à leur son. Quoiqu’il en soit, c’était encore une fois MÉCHANT.
Sonnés mais comblés, nous prenons un temps de repos et je décide d’acheter les lunettes kaléidoscopes pour la suite des hostilités. Quoi de mieux que de revoir KADAVAR à travers le prisme de dizaines de triangles psychédéliques (à utiliser sur « Living In Your Head » ou « Purple Sage ») ? Premier constat lorsque le trio barbu entre sur scène : il y a plus de monde que tout à l’heure, mais la salle reste relativement calme et loin d’être complète. Les gens sont fatigués de leur semaine ou quoi ? Etonnamment, ce sont les nouveaux titres qui sont envoyés en premier dans nos oreilles avec un son incroyablement… GRAS. Ainsi, je revois totalement mon jugement concernant « Tribulation Nation » ou « Die Baby Die », qui m’avaient laissé un peu sur ma faim à leur sortie. De nombreux autres morceaux de « Rough Times » suivent, et je suis peu à peu convaincu. Kadavar nous prouvent encore une fois qu’ils sont une machine de guerre sur scène, malgré leurs essais plus ou moins réussis en studio. Ce sont des morceaux de granite colorés que les Allemands nous envoient en pleine tête, tout en n’oubliant pas les classiques des précédents albums – avec un seul titre de l’époque « Berlin » cependant (« The Old Man »). Une reprise de The Damned et un rappel sur « Come Back Life », et on sort de là encore plus sonné que pour Mantar tant leur son était massif, dégoulinant de gras et d’énergie, presque sabbathien et ésotérique, bien loin du Kadavar psychédélique et vintage des débuts. Je me fais la promesse d’aller écouter ce nouvel album en rentrant, car peut-être que c’est ce qu’il manquait à mes oreilles pour l’apprécier : une bonne soirée de rock’n’roll allemand dans les tympans !
Last modified: 27 février 2018