À l’heure où « stoner rock » est une étiquette utilisée à tout va pour qualifier n’importe quel groupe de rock utilisant des amplis Orange ou une pédale Big Muff, un retour aux valeurs sûres n’est pas du luxe. Après que le mouvement desert rock ait été initié par quelques punks originaires de Palm Desert à la fin des années 80, un peu moins de dix ans ont suffit pour que l’Europe voie émerger sa propre oasis de riffs. Et cette oasis, aussi paradoxal cela soit-il, se trouvait en Suède. LOWRIDER est l’un des groupes qui a ouvert la voie à toute une génération de fuzz rockeurs en Europe, nous honorant d’un unique mais non moins excellent album « Ode To Io » (ainsi qu’un indispensable split EP avec Nebula), pépite de dix morceaux rock aussi vifs et brûlants que le soleil de Coachella. Après une poignée de concerts, le groupe se retire dans le froid scandinave… Jusqu’à ce samedi d’avril 2013 au Desertfest, où LOWRIDER fait son grand retour (au côté de leurs compatriotes DOZER, également reformés pour l’occasion) devant un parterre d’amateurs grisés par la nostalgie, et surtout, l’énergie intacte du groupe. Un concert incroyable à tous niveaux, tellement incroyable qu’après coup, on se demande si ce n’était pas un rêve. Presque un an plus tard, les deux groupes sont rappelés à Londres pour un show unique au Garage. Triomphants, nos Suédois sont désormais sûrs d’une chose : les fans ne les ont pas oubliés, loin de là. Ayant la chance d’être sur place pour ce show d’exception, je me suis donné pour mission de découvrir si les rumeurs au sujet d’un possible nouvel album étaient fondées. C’est dans des backstages en effervescence que j’ai rencontré le très chaleureux Peder Bergstrand, bassiste-chanteur et fondateur du groupe, qui, malgré une belle angine, s’est avéré intarissable sur le moindre sujet (me faisant rater tout le concert de Dozer, dammit). Résultat de cette rencontre au sommet : pas mal de fous rires, des pintes de bières renversées, mais surtout, des news qui réjouiront tous les fans de desert rock d’ici et d’ailleurs. (PHOTOS : Falk-Hagen Bernshausen)
Salut Peder! Alors, plus d’une année s’est écoulée depuis votre reformation pour le Desertfest, et vous voilà ce soir, de nouveau à Londres. Ça fait quoi de revenir ?
Peder Bergstrand (basse & chant) : D’une certaine manière, être ici avec Dozer et Steak nous fait nous sentir comme à la maison. Ce sont des mecs vraiment accueillants. À l’époque, quand on a démarré le groupe, les gens nous appréciaient mais on jouait devant peut-être 150 ou 200 personnes. Pouvoir jouer devant 2000 personnes (NDLR : Peder parle du Desertfest) sans avoir même sorti quoi que ce soit, juste grâce au bouche-à-oreille… Comment pourrait-on refuser ? Si quelqu’un te demande poliment de faire ce que tu aimes, dans de bonnes conditions de surcroît, la question ne se pose même pas. J’aime assez le fait qu’on ait joué avant Dozer la plupart des fois, car on peut se poser et s’amuser un peu après avoir joué.
Pour être honnête, j’étais un peu déçue que vous n’ayez pas joué en tête d’affiche ce soir…
PB : Oh ! Mais le truc, c’est que dans tous les cas on n’aurait pas pu jouer plus. On doit chacun avoir un set d’environ une heure, et puis il y a ce couvre-feu anglais. Tu es dégoûtée ? On peut en parler si tu veux. (rires)
Franchement, j’aurais voulu que le concert se prolonge… éternellement. C’était un show à la fois vraiment émouvant et puissant que vous nous avez offert là.
PB : On ressent la même chose. Tu montes sur scène après des préparations sans fin, tu prends une inspiration, et c’est déjà fini. Ça va à la fois très vite et très lentement. Quand tu démarres le premier morceau, t’as comme besoin d’un temps d’adaptation, tu joues, puis c’est fini. C’est triste. Mais bon, c’est pour ça qu’il y a Youtube, au moins tu peux revivre le concert plus tard.
Vous avez joué de nouveaux morceaux ce soir, je me trompe ?
PB : Ouais, deux nouveaux morceaux et un que nous n’avions jamais joué en live avant, et qui est un de nos favoris. Il part un peu dans tous les sens, alors comme on ne voulait pas le foirer, on a demandé à Tommi (Hollappa, guitariste de Dozer) de nous rejoindre sur scène, et il a tout tué. Qu’est ce qu’on aime ce mec… On n’avait même pas répété le morceau ensemble, il a juste écouté le morceau et joué son solo.
C’était tout simplement monstrueux.
PB : Tommi est de près ou de loin le mec le plus pro qu’on connaisse, il nous surprend sans arrêt. Il a quoi, dix albums à son compteur avec Greenleaf et Dozer ? En plus, c’est le mec le plus modeste que je connaisse. J’avais un immense sourire tout du long, j’étais trop heureux.
« Si tout se passe bien cette année, on enregistrera un disque (…) très sûrement un huit ou neuf titres. »
Lowrider et Dozer sont comme inséparables maintenant. Vous avez fait les deux Desertfest 2013 ensemble, puis ce soir à Londres, et enfin le Hellfest en juin…
PB : On a dû jouer 50 concerts au total, dont 45 avec Dozer. On est comme des frères siamois, ça nous fait tout bizarre quand on ne joue pas ensemble (rires). En fait, je pense qu’on devrait se vendre comme un seul et même groupe, parce que tu ne peux pas nous faire jouer sans ces mecs !
Dowrider et Lozer.
PB : Ouais, on est à la fois pareil et très différents. Ils sont plus comme les Ramones ou les AC/DC du stoner rock, et nous, on est plus la version sludge soporifique. Par contre à ce qu’il paraît, on sent meilleur. Et on est un peu plus gays aussi (rires). Il y a beaucoup d’amour au sein de Lowrider…
C’est ce qu’on appelle une vraie « bromance »…
PB : Je pense que s’il n’y a pas cet amour fraternel pour lier les membres d’un groupe, alors ils ne peuvent pas apprécier pleinement ce qu’il font. J’aime ces mecs depuis que j’ai 15 piges !
Bon, maintenant parle moi de ces nouveaux morceaux que vous avez joué ce soir.
PB : Il y a ce morceau de notre premier EP qu’on n’avait jamais joué auparavant, et deux nouveaux morceaux qu’Andreas et moi-même avons testé, alors que le groupe n’était plus en activité. En fait, on a testé quatre ou cinq morceaux, qu’on a maintenant envie d’enregistrer. Si tout se passe bien cette année, on enregistrera un disque, le nombre de morceaux dépendra surtout de comment on les ressent lors de l’enregistrement. Lorsqu’on a essayé ces nouveaux morceaux avec Andreas, c’était juste comme ça, mais au final ça nous a vraiment plu. On ne les a jamais enregistré parce que… la vie est ce qu’elle est.
Vous avez disparu pendant dix ans, du coup personne ne s’attendait à un retour… Mais quel retour !
PB : J’étais pas mal pris avec mon autre groupe I Are Droid, certains d’entre nous ont commencé à avoir des gosses, et au final tout le monde a eu des gosses (rires). Tu sais, on vit dans quatre villes différentes, et personne ne nous a vraiment demandé de revenir avec un album ou même pour jouer. Je crois qu’on a enregistré huit ou neuf morceaux, mais la moitié était à chier… (le reste du groupe entre dans la pièce)
Pour info, je ne quitterai pas cette pièce sans en savoir plus sur le nouvel album…
PB : Il y a quatre morceaux qu’on adore, et qu’on va enregistrer. Et puis il y a deux nouveaux morceaux qu’on devrait vraiment tester, donc tout ça donnera très sûrement un huit ou neuf titres. Et à l’heure actuelle, c’est ce qu’on peut appeler un album. Tu sais, à l’époque on voulait toujours en faire trop, mais aujourd’hui, on n’est plus le même groupe, on est beaucoup plus détendus. J’aimerais qu’on joue plus avant d’enregistrer, qu’il y ait cet esprit de jam. On jammait beaucoup à l’époque des précédents disques, mais tout était plus contrôlé, on faisait les choses en bloc. Jouer ensemble n’a jamais été aussi fun qu’aujourd’hui.
« Jouer ensemble n’a jamais été aussi fun qu’aujourd’hui. »
Et qu’en sera-t-il du son ?
PB : On voulait sonner comme Earth Wind & Fire, mais on a merdé (rires). C’est un vrai drame pour nous, mais les gens ont l’air de préférer que les choses soient ainsi. On voulait vendre ça comme un truc « aussi cool que le funk », mais on a fini par sonner comme ça. Il faudra qu’on vive avec, je crois… Mais les gens vont aimer, avec un peu de chance. Ouais je pense qu’ils vont aimer, on a eu dix ans pour penser à ces morceaux, ils sont restés là à vieillir comme un bon cru ou du bon fromage.
Est-ce que tu entrevois un espèce de « plan de carrière », maintenant qu’on peut dire que oui, Lowrider est officiellement de retour ?
PB : On fera ça tant qu’on prendra du plaisir. On s’est reformé pour jouer deux super concerts et donner le meilleur de nous-même. Puis il y a eu cet autre concert, et encore un autre… On va essayer d’ajouter peu à peu plus de morceaux et de concerts, tout en gardant le côté fun. Et à l’heure actuelle, fun ça veut dire « voyons ce qu’il se passe si on entre en studio ». Pour nous, c’est mieux de se concentrer sur quelques bons concerts, plutôt que de faire une tournée de deux mois. On veut garder le côté rare de la chose.
Cet été, vous jouerez sur la Valley Stage au Hellfest, aux côtés d’un paquet d’autres groupes de stoner rock très cool…
PB : Ouuaaais, il y a un espèce d’engouement autour du genre, c’est marrant ! Cette scène est peut-être un peu noyée avec tous ces groupes, il y a beaucoup de riffs, mais pas tant de bons morceaux que ça. J’ai monté ce groupe à cause d’un amour inconditionnel pour Soundgarden, Kyuss, et les Melvins, donc pour moi la qualité des morceaux est très importante. C’est aussi pour ça que j’ai lancé I Are Droid. Mais bon, au final ça fait du bien, la scène est en plein boum et tout le monde a l’air content. Ça me fait tellement plaisir que tout le monde veuille écouter Lowrider, et ça quinze ans après. Ça n’arrive pas tous les jours, on est vraiment touchés de voir qu’on compte pour les gens.
Si je devais raconter la légende de Lowrider à mes petits-enfants, je leur dirai que vous avez été le premier groupe à ramener la vibe du désert en Europe. Il y avait Kyuss aux États-Unis, et Lowrider ici. Et le truc le plus fou dans tout ça, c’est que vous êtes Scandinaves.
PB : Tout cette histoire de desert rock nous a toujours semblé bizarre, pour moi on serait plus un groupe de forest rock, car il n’y a aucun désert chez nous.
Même pas des déserts de glace ?
PB : Non, pas d’où on vient. Il y a juste énormément de forêts, on pourrait même croire que des trolls y vivent… Mais ouais, la raison principale pour laquelle on a démarré le groupe, c’est notre amour pour Kyuss. Ça me touche lorsque les gens citent le groupe lorsqu’ils parlent de nous, car c’est un des mes trois groupes préférés.
D’ailleurs, est-ce que tu as écouté l’album de Vista Chino ?
PB : Un peu. C’est pas le Kyuss dont je me souviens, mais de toute façon je ne m’attendais pas à un album de Kyuss. Si tu prends ça comme un nouveau groupe, alors l’album est bon. Il n’y aura jamais d’autre album de Kyuss, d’ailleurs je ne sais pas si j’en aurais envie. Je suis bien plus content pour eux à l’heure actuelle que lorsqu’il faisaient le truc Kyuss Lives!.
Pour finir, quels sont vos groupes du moment ?
PB : J’écoute beaucoup les derniers Fuzz, Tame Impala, The National, Bombay Bicycle Club, le projet de Thom Yorke, Atoms For Peace, par contre je n’écoute pas le style de musique que je fais, car ça me saoulerait. C’est pas très malin si tu veux éviter de sonner comme les autres, ceci dit…
Andreas Eriksson (batterie) : J’aime beaucoup Opeth.
Niclas Stålfors (guitare) : Je suis sourd (rires).
Ola Hellquist (guitare lead/chant) : Robben Ford, un super guitariste de blues, il joue avec une cuillère.
PB : Il y a un truc que tu dois savoir à propos d’Ola, pourquoi c’est un si bon guitariste. Quand on s’est rencontrés, il n’avait que des disques de la période 69 à 74, mais rien d’avant ou d’après. C’était un genre d’Amish pour tout ce qui est blues rock (laughs), et c’est assez beau de voir à quel point ça a pu affecter sa façon de jouer. Maintenant c’est irréversible. C’est comme s’il avait vécu sur une île déserte et qu’il ne connaissait rien d’autre que le goût de la noix de coco.
Ola est le Tom Hanks de la guitare !
PB : Ouais, on devrait mettre ça sur le prochain CD ! « Vous n’avez pas besoin de comprendre, attendez juste d’entendre le solo à la noix de coco » (rires). On vient tous d’horizons musicaux différents, et on doit s’adapter, d’une certaine façon. C’était plus difficile quand on a démarré, mais maintenant on se connaît tellement bien qu’on s’en fiche. Au fond tout ce qui compte, c’est que notre musique sonne.
RETROUVEZ LOWRIDER SUR FACEBOOK ET SUR LA VALLEY STAGE AU HELLFEST 2014
Last modified: 17 janvier 2015