Il y a une tonne de groupes incroyables dans le monde du rock, mais Kadavar a ce petit truc en plus qui fait exploser les sens et cause des orgasmes à la chaîne. Chez les anglo-saxons, on appelle ça « le mojo ». En même temps, les trois berlinois ont redonné ses lettres de noblesse au heavy rock vintage, avec un son qui rappelle les DAT et une imagerie hippie totalement assumée. Un coup d’éclat plus fulgurant que d’autres artisans du revival rock avant eux, car il a fallu moins d’un an et deux albums au groupe pour se tailler une réputation en or. Seulement, à parcours intense, les aléas qui vont avec : le 13 avril dernier au Stone Rising Festival, on découvre que leur bassiste Mammut a décidé de quitter le groupe. C’est un ancien d’Aqua Nebula Oscillator qui le remplace, en CDI. Pas démontés pour un sou, les trois gaillards offrent au public français une prestation de demi-dieux, sans jamais forcer le trait. Après le concert, j’ai l’immense plaisir de discuter avec l’homme qui porte la flamme du groupe : Wolf « Lupus » Lindemann. Décrypter cette légende naissante a été d’une simplicité incroyable, tant l’artiste était ouvert à la discussion. Vous allez enfin connaître les secrets que recèle le trio psyché rock le plus cool du moment. (PHOTOS : DR)
Avant toute chose, je tiens à te féliciter pour le super concert de ce soir. En revanche, j’ai été surprise de voir un nouveau bassiste sur scène…
Wolf Lindemann : Et nous avec, parce qu’en fait, tout ça s’est fait ces derniers jours. On revenait tout juste des États-Unis, où on est restés un mois. Ça s’est pas vraiment passé comme on le voulait, du coup on est partis faire un road trip dans le désert, et notre bassiste nous a dit qu’il en pouvait plus. Il a un bar, bientôt un enfant, et cette vie agitée qu’on a en ce moment, je pense que c’était trop pour lui. Donc samedi, il nous a annoncé qu’il quittait le groupe. Le nouveau bassiste est un copain, il a été notre chauffeur et aussi un membre d’Aqua Nebula Oscillator, il est de Paris. Maintenant il vit à Berlin, donc on l’a appelé et il a eu cinq jours pour répéter, ce soir c’était sa première ! On est surprise que ça se soit si bien passé !
Les gens étaient dingues, on aurait dit qu’ils attendaient ce concert depuis toujours…
WL : C’était un plaisir pour nous aussi. On a pas beaucoup joué ce dernier mois, on avait cette tournée de prévue aux States, qui a été annulée à cause de problèmes de visas. Du coup on s’est retrouvé là-bas sans rien à faire, alors on a décidé d’aller faire un tour entre le Texas et la Californie, par le désert. On a acheté une bagnole et on est partis, et comme l’endroit était parfait pour un clip, eh bien on a tourné le clip de « Come At Life », un morceau qu’on a joué ce soir… Enfin, qu’on a essayé de jouer ! (rires)
Mais vous n’avez même pas joué au SXSW ?
WL : Si, car c’est le seul festival qu’on peut faire sans visa. Comme c’est un festival international, ils ont des dérogations. On a joué quatre sets là-bas, puis on a pris la route pour la Californie.
Et vous avez pu arriver jusqu’en Californie ?
WL : Oui, mais ça nous a pris du temps ! On a dû acheter une autre voiture, parce le moteur de notre magnifique Galaxy 1964 nous a lâché sur l’autoroute… On a eu des hauts et des bas en permanence, ça a été un votage vraiment intense.
J’ai essayé d’en savoir plus sur vous trois au travers des interviews sur la Toile, mais je dois dire qu’il n’y en a pas des masses. Je suis sûre que les gens aimeraient plus vous connaître. Raconte-moi un peu vos différents parcours.
WL : Ça fait sept ans qu’on vit tous à Berlin maintenant. Je viens d’Allemagne de l’Est, notre batteur et d’Allemagne de l’Ouest, et notre ancien bassiste est autrichien. Tu parles d’un mélange ! (rires) On s’est rencontré tous les trois dans un bar un soir, et c’était genre, on a su direct qu’on allait s’entendre. Les gars avaient un groupe à deux avant ça, et ils m’ont demandé de jouer de la basse, j’ai dit ok direct. J’avais tellement de projets à Berlin à l’époque, mais c’était pas vraiment ça. On a fait notre première répèt, et au bout de 30 minutes je leur ai dit « aaah, je n’aime pas la basse, vous devriez me donner une guitare » (rires). C’est comme ça qu’on s’est rencontrés et qu’on a monté le groupe. J’avais quelques morceaux de prêts, et je cherchais des gens pour jouer ce genre de musique. Ça a été facile de guider les gars dans la direction que je voulais, au début ils suivaient, puis au fil du temps ils ont amené leurs propres idées.
« On s’est rencontrés dans un bar un soir, et on a su direct qu’on allait s’entendre. »
Donc est-ce que tous les trois vous partagez une même vision de la musique, et des influences en commun ?
WL : Non, on a pas du tout les même influences, pour une bonne raison. La musique de l’Ouest n’était pas autorisée dans l’Est quand j’étais gosse, donc pas de Beatles ou ce genre de truc. Mes parents n’avaient pas le genre de collection de disques que les autres pouvaient avoir chez eux. J’ai tout appris moi-même (il sourit). C’est tout le contraire pour notre batteur, il venait de ce genre de famille. Quant à notre bassiste, il était plus porté sur le grunge, le punk, ce genre de trucs. Il n’était pas vraiment dans le genre de musique qu’on joue aujourd’hui. J’ai du un peu le forcer, mais ça a marché ! (rires)
Est-ce qu’il y a une histoire spéciale derrière votre premier album « Kadavar » ? Tu m’as dit tout à l’heure que tu déjà pas mal de morceaux déjà composés à la base…
WL : Pour le premier album, on a eu plus d’un an et demi pour composer et se trouver musicalement les uns les autres. Pour le deuxième, on a eu seulement deux semaines, parce qu’on passait notre temps à tourner et on voulait avoir un nouvel album de prêt pour cette tournée-ci, donc trois mois avant histoire de pouvoir faire la promo. C’était un programme assez tendu, avec seulement six semaines pour composer, enregistrer et tout masteriser.
Ce nouvel album sonne d’ailleurs très différent de « Kadavar »…
WL : Bien sûr, on a joué plus de cent concerts et on a voyagé pendant un an entre les deux albums. Ça serait stupide si il sonnait exactement pareil.
« J’aime la musique et je n’écrirais jamais des morceaux pour faire plaisir aux gens. Le nombre de ventes, les critiques… Ça ne m’intéresse pas. »
Totalement d’accord. Mais je me trompe peut-être en disant que pas mal de gens attendaient un deuxième « Kadavar »…
WL : Oui, mais je n’écris pas des morceaux pour les gens. Je fais de la musique pour mon plaisir avant tout, et il s’avère que les gens apprécient. C’est la meilleure chose qui puisse nous arriver ! J’aime la musique et je n’écrirais jamais des morceaux pour faire plaisir aux gens. Le nombre de ventes, les critiques… ça ne m’intéresse pas. Les interviews, ça va encore (rires), mais les chroniques… Tous ces gens qui n’écoutent le disque qu’une seule fois et pensent être en mesure de juger, je peux comprendre et respecter ça, mais ils ne savent rien à propos de moi.
C’est un peu le problème avec le fait de chroniquer de la musique, tu es souvent amené à mettre des étiquettes ou faire des comparaisons pour que les lecteurs puissent avoir des points de repères.
WL : Je sais bien ! Je suis aussi lecteur, mais dès que ça concerne ma musique, j’ai ma propre vision de la chose donc la plupart du temps je ne vois pas où ils veulent en venir. Peut-être qu’ils n’ont pas toutes les infos sur nous, ou qu’ils n’ont pas eu le temps de l’écouter deux fois, on ne sait jamais.
La première fois que j’ai entendu parler de vous, j’étais là « Kadavar… Qu’est-ce que c’est ? Un groupe de black métal ? ». Comment vous est venu ce nom ?
WL : À la base, on voulait un truc facile à retenir, en un mot. On voulait un mot allemand que tout le monde pourrait comprendre. On est allemands, alors pourquoi on ferait comme tous les groupes américains ou britanniques ? On s’est posé chez moi, on s’est bourré la gueule et on a fumé pendant 3 nuits, tout en balançant des idées sur un bout de papier. Le nom « Kadaver » est ressorti, ça faisait sombre et démoniaque, même si en fait on est rien de tout ça. Plus tard, on a fait cette séance photo et le gars nous a renvoyé les fichiers avec « AR » à la fin. J’ai vu notre nom avec ces trois A et j’ai trouvé ça très cool.
« Les gens croyaient qu’on faisait exprès de s’habiller comme ça, mais en fait c’est parce qu’on n’avait pas d’argent. »
Pour moi, vous êtes le seul groupe qui a l’air de sortir tout droit d’une machine à remonter le temps (rires). Et pas seulement à cause de votre musique super vintage, mais aussi à cause de votre style vestimentaire. Plus que de simples fringues, j’imagine que c’est un mode de vie…
WL : Je pense qu’au départ si on avait ces fringues, c’est parce qu’on était à Berlin avec pas un rond. Du coup, on est allé dans des friperies où tu achètes les vêtement au kilo. On a chacun acheté ces trucs dont personne ne voulait (rires), on a acheté des robes de femme et tout… C’est comme ça que c’est venu. Il s’avère que les gens croyaient qu’on faisait exprès de s’habiller comme ça, mais la seule raison à ça, c’est qu’en fait on avait pas d’argent ! Christophe et moi on aime bien traîner dans les rayons femme, on aime bien s’habiller comme des idiots (rires)… On est comme ça, on ne se prend jamais trop au sérieux. Une fois, on est partis faire du shopping avec une amie de longue date, elle nous a dit « vous êtes tarés ». Tout le monde est si sérieux, je ne comprend pas pourquoi. Tu veux une bière ?
Pourquoi pas ! Et si tu me parlais un peu des artistes que tu aimes écouter en ce moment ? Des coups de coeur en particulier ?
WL : J’aime tellement la musique, je déteste ne pas avoir un nouveau groupe à me mettre sous la dent chaque jour. Rien à voir avec ce qu’on fait, mais j’aime beaucoup Fever Ray, c’est un genre d’électro avec des beats très sympas, et de super compos. J’aime aussi le dernier Uncle Acid & The Deadbeats, j’ai produit sur cet album et j’étais vraiment très heureux quand il est sorti. Il y a aussi Radio Moscow… Et aussi le dernier album de Dr John « Locked Down » qui a été produit par Dan Auerbach des Black Keys, même si je suis plus un fan de ce qu’il faisait dans les 60’s, parce que j’aime vraiment les trucs dark et psychédéliques. Un pote s’est ramené avec ce disque un jour, et je n’arrivais pas à croire que c’était Dr John, c’était tellement différent de ses trucs 60’s, mais c’était vraiment cool. Les gens devraient jeter une oreille à cet album.
Vous êtes sur le point de jouer aux Desertfest de Londres et Berlin, quels sont les groupes que tu attends de voir sur scène là-bas ?
WL : Danava ! C’est l’autre raison pour laquelle on s’appelle Kadavar, mais je ne l’ai jamais dit aux autres (rires). Je me rappelle encore de la première fois où je les ai entendu, ça passait à la radio alors qu’on rentrait de Leipzig, et je n’avais jamais entendu un tel rock heavy-prog de ma vie ! C’est vraiment un groupe à voir, ils sont énormes, il y a genre un million de parties dans un seul morceau… Oh, et Pentagram et Orchid bien sûr.
D’ailleurs, vous êtes désormais signés sur le même label qu’Orchid (NDLR, Nuclear Blast Europe)…
WL : Ouais, et c’est grâce à eux. On s’est rencontrés à Berlin et on leur a filé notre skeud. Ils ont aimé et l’ont fait passer au label, qui nous ont contacté par la suite. On leur est vraiment reconnaissants. Il me tarde de jouer avec eux, mais à Berlin ça risque d’être un planning assez bizarre avec nous et Orchid sur la même scène, le même jour… Ça sera le battle Nuclear Blast ! (rires)
Dernière question. Si un booker bien sympa vous proposait de jouer sur la même scène que d’autres groupes, morts ou vivants, tu choisirais qui ?
WL : Je suis un grand fan de Rory Gallagher, c’est l’un de mes guitar heroes. Donc si j’avais la chance de pouvoir jammer avec lui totalement défoncé, ça serait quelque chose pour moi. En temps normal, j’aurais dit Black Sabbath, mais je pense pas que ce serait très fun. Mais Rory Gallagher ? Ça serait carrément fun.
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Last modified: 14 octobre 2013