Le trio montant du doom français WITCHORIOUS se révèle avec son premier LP.

Written by Chronique

S’il est bien un genre sclérosé, enfermé dans ses propres clichés et sa niche d’influence, c’est bien l’occult doom. Pourtant, on voit régulièrement pointer des artistes qui savent proposer une version plus personnelle de cette recette bien connue. Et si Witchorious était notre Dopelord à nous? Ou bien serait-ce plutôt notre Yob ? Car en y regardant de plus près, il y a bien plus à disséquer chez les parisiens que du doom conventionnel et aseptisé.

Witchorious sème le trouble voire même, nous trolle un peu avec ce premier album éponyme. De par son artwork, extrêmement soigné mais assez convenu, de par ce nom aussi, on est tenté d’y voir un énième groupe de fans de Witchcraft et on s’attend à de l’occult rock léché mais sans une once d’originalité. Et c’est peut être là qu’on tient le premier coup de génie. Car sous ses apparences familières, on découvre une toute autre bête. Ainsi, ce nom et cet artwork ne servent qu’à nous attirer dans leurs griffes, pour mieux nous lacérer la gorge à grand coups de voix criées et de riffs rageurs.

Car Witchorious a cette tendance occulte doom et ne s’en cache pas : les amateurs du genre y trouveront le chant mélodique, les accords lourds et ce son rond que l’on apprécie tous chez les maîtres du genre. Mais en proposant aussi un chant craché qui emprunte le plus souvent au sludge ou au noise et en s’assurant que chaque riff crée cette tension bien souvent absente dans le doom, le combo nous propose un mélange assez malin que l’on n’a finalement rarement entendu. Imaginez si Monolord et Crowbar avaient fricoté avec Coven ? C’est assez surprenant pour interpeller ! Mais là où le trio révèle tout son talent, c’est que tout cela ne s’arrête pas à un effet de style : c’est une identité pensée dont on pouvait voir pointer le bout du nez sur leur premier 2 titres “The Haunted Tapes” en 2020.

Côté chant, si la majorité du temps c’est la voix éraillée ou criée d’Antoine (guitare) qui nous accompagne, les envolées mélodiques de Lucie (basse) sur les chœurs comme sur “Catharsis” ancrent encore le groupe dans l’occult rock. Antoine aussi sait poser sa voix comme sur le bien nommé “The Witch” qui propose en une seule piste un véritable condensé de tout ce que le groupe veut nous offrir. “Eternal Night” est l’un des titres sur lesquels Lucie prend le lead de chant, apportant cette dimension quasi Chelsea Wolfe au combo, avec une guitare chargée en trémolo qui lui confère cette atmosphère glauque. Et puis allez, je ne peux passer sous silence tout le défoulement noisy dissonant de “Sanctuaire” et dont je suis tombé directement sous le charme.

Niveau production, le mix n’est jamais dans la surenchère, jamais trop frontal ou trop puissant, et il pourra déboussoler ceux qui se sont habitués aux voix noyées dans la reverb et à la batterie trop mise en avant. À ce titre, la basse bénéficie d’un traitement plus subtil et rond qu’à l’accoutumée. Il faut l’avouer, nous autres stonerheads, on est un poil trop accros aux basses ultra fuzzy et accordées 12 tons trop bas. Ici, tout est plus calfeutré et cela sert bien mieux les morceaux. Si on doit jouer les fines bouches, peut-être regrettera-t-on ici ou là quelques longueurs mais j’y vois plus une préférence personnelle qu’un véritable défaut. Cela ne m’a pas empêché de faire tourner en boucle la version incluant le bonus track “Why”, alors qu’il culmine à 7 minutes 20. Je préfère toutefois considérer que l’album se clôture sur le très classieux bien que classique “to the grave”, version épurée et quasi dark folk de la recette déroulée tout au long de ce premier opus.

Le constat est simple : Witchorious nous prouve que le travail paye et qu’au milieu de l’armée de clones qui ont tendance à se multiplier au sein de notre scène, l’authenticité et l’originalité restent les plus belles des qualités. Il n’est pas nécessaire de sortir son album chez un géant américain ou de partir en tournée avec Electric Wizard pour que le monde reconnaisse votre talent : il suffit simplement d’avoir une identité sonore pertinente et de produire une musique qui prend aux tripes. Longue vie à Witchorious, le doom haxagonal a décidément de beaux jours devant lui.

ARTISTE : Witchorious
ALBUM : Witchorious
GENRE : Doom occulte noisy
DATE DE SORTIE : 16 février 2024
LABEL : Argonauta Records
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Last modified: 3 mars 2024