Dans les coulisses du DESERTFEST LONDRES avec l’organisateur du festival.

Written by Interview

Lorsque j’ai mis les pieds au Desertfest de Londres pour la première fois, je n’aurais jamais pensé que ce week-end serait au final l’un des plus mémorables et excitants de ma vie de music addict. C’est déjà une expérience en soi que de participer à un festival en plein coeur de Londres (hello Camden !), mais c’est encore mieux quand ce festival ressemble à une immense teuf de quartier avec tous tes potes… une belle grosse bande de potes de quelques milliers de personnes en provenance des quatre coins du monde. Et si le Desertfest fait autant d’adeptes au sein de la communauté doom et stoner depuis son lancement en 2012, ce n’est pas juste parce qu’il aligne chaque année des noms de fou, c’est aussi parce que c’est un festival qui a été fait pour les fans PAR les fans. 100% indé. Difficile d’imaginer qu’un évènement d’une telle ampleur (une soixantaine de groupes dispatchés dans trois salles sur tout un week-end) a été pensé et conçu par seulement deux bonhommes, parmi les plus passionnés et acharnés qu’il m’ait été donné de rencontrer. J’avais donc très envie de découvrir et vous faire découvrir les tenants et aboutissants du Desertfest, et qui mieux que l’homme à l’origine du projet pour ça ? Les conditions dans lesquelles nous avons réalisé cette interview (dans un van par 0°C) prouvent bien que rien ne fait peur à Reece lorsqu’il s’agit de défendre son projet. Et voir son sourire s’élargir au fur et à mesure qu’il me parlait des artistes qu’il a programmé au festival, c’était comme revoir l’expression d’émerveillement de chacun d’entre nous devant Pentagram, Orange Goblin, Lowrider, Fatso Jetson, Truckfighters et tous ces groupes géniaux qui ont y joué ces deux dernières années. Un sentiment que seuls les vrais fans de musique connaissent. Parce qu’au fond, l’idée c’est de vibrer à l’unisson pour ces musiques qu’on adore… Et il n’y a aucun doute que le Desertfest est devenu le refuge parfait pour nos petits coeurs heavy. 

Quand et comment est née l’idée de monter un festival dédié aux musiques heavy à Londres ? 

Reece: On a commencé à organiser des concerts avec notre structure Desertscene en 2009. Très vite, on s’est retrouvé à faire jouer les groupes du Roadburn Festival autour de la période en question, mais on perdait de l’argent car on faisait ça les lundis soir. Beaucoup de gens se plaignaient de ne pas pouvoir aller au Roadburn parce que c’était toujours sold-out, et aussi parce qu’il n’y avait rien pour eux en Angleterre, ça nous a donc paru comme une évidence de regrouper tous ces artistes. L’idée de faire un festival a toujours été là, mais avant d’investir dans un tel projet, il fallait pouvoir se faire la main.

Donc à l’époque, vous étiez encore débutants dans le business des concerts. 

R: Totalement. Le premier groupe qu’on a fait jouer était Truckfighters, et on s’occupe de les faire jouer en Angleterre depuis. Ça se passe très bien avec eux, on se soutient mutuellement depuis le début.

Avec un nom comme Desertfest, pourquoi décider de monter un festival indoor ? 

R: (rires) Parce qu’il n’y a pas de désert en Angleterre ! On avait besoin d’une identité forte, d’un nom auquel les gens « du milieu » pourraient s’identifier, en sachant directement de quoi il s’agit. On aurait pu l’appeler « doom fest » ou un truc dans le genre, mais ça nous aurait catalogué dans un certain genre de musique. Personnellement, j’ai toujours adoré Kyuss, et le son desert rock a toujours été très important pour moi, donc pourquoi ne pas y faire allusion ? Ça ne restreint en rien la programmation, on pourra la faire évoluer vers toutes sortes de genres musicaux, tant que les gens seront ok avec ça.

« On a appelé ça le Desertfest, mais il n’a jamais été question de se cantonner à un certain style, l’idée c’est surtout de regrouper des gens qui ont le même état esprit et qui sont ouverts à toutes les connexions qu’il peut y avoir dans cette musique »

En parlant de la programmation, les premières annonces de groupes pour l’édition 2014 laissent présager des choses beaucoup plus lourdes et sombres que pour les précédentes éditions. Concrètement, comment vois-tu l’évolution du festival dans les années à venir ? 

R: On n’a jamais souhaité se cantonner à un seul genre. On n’essaie pas de faire un deuxième Roadburn. Il y avait ce festival indie à Londres, le Camden Crawl, on s’en est beaucoup inspiré en utilisant les salles de concerts de Camden pour nos concerts de métal et tous ces genres que nous défendons. Donc oui, c’était un point de référence pour nous. À Camden, tu peux facilement étendre le festival à 10000 personnes. Quand tu vois des festivals comme le SXSW où il y a vraiment cette démarche de faire jouer de jeunes groupes dans tout un tas de styles différents, c’est dans ce sens qu’on aimerait faire évoluer le Desertfest à l’avenir. On a appelé ça le Desertfest, mais il n’a jamais été question de se cantonner à un certain style, l’idée c’est surtout de regrouper des gens qui ont le même état esprit et qui sont ouverts à toutes les connexions qu’il peut y avoir dans cette musique.

Et ce que ça veut dire qu’il y aura plus de showcases acoustiques et d’à-côtés lors de l’édition 2014 ? 

R: En 2014, on ramène la Quietus Stage, les gars de Metal Hammer vont aussi programmer certains groupes qui ne vont pas tarder à être annoncés. On essaie de créer un festival communautaire à Londres, où tous les acteurs respectés de ce milieu peuvent s’exprimer, comme avec la scène dédiée à The Quietus. Ils sont super contents de rejoindre l’aventure ! Le but, c’est pas forcément de vendre plus de places, c’est vraiment de croire en des personnes qui ont une identité propre. On essaie d’ouvrir le festival à un peu plus de monde, parce que ça a toujours été un festival pour les fans. Le but n’est pas de faire de l’argent. Ce que j’aimerais, c’est que ce festival soit encore là dans dix ans et que ce soit devenu un truc vraiment super où on pourra faire découvrir un tas de nouveaux artistes aux gens.

Vous avez déjà fait jouer des dizaines de groupes anglais comme Trippy Wicked, Gurt, Groan… Est-ce que le but était justement de les faire découvrir au public, ou est-ce parce que vous étiez à court de groupes internationaux ?

R: C’était intentionnel, car on a vraiment une scène tellement riche en Angleterre qu’on voulait vraiment leur permettre de jouer devant un public international. On en a fait un point d’honneur, d’ailleurs pas mal de ces groupes sont des potes, donc c’était aussi une façon de leur donner un coup de pouce. Ils sont tous très bons, mais chacun a besoin d’avoir un minimum d’exposition pour pouvoir être apprécié à sa juste valeur. Avec un peu de chance, le Desertfest a été un tremplin pour faire jouer certains groupes britanniques en Europe. Ça fait toujours plaisir de voir des artistes qu’on a programmé cette année ou l’année précédente faire des tournées en Europe. Je ne dis pas que c’est entièrement grâce à nous, bien sûr, mais un coup de pouce est parfois nécessaire pour révéler les talents. En Angleterre, les gens peuvent être très fermés d’esprit lorsqu’il s’agit de la musique et des groupes qu’ils écoutent.

« Avec un peu de chance, le Desertfest a été un tremplin pour aider certains groupes britanniques à jouer en Europe. »

Le point positif, c’est que le Desertfest n’est plus un festival à la portée uniquement britannique voire européenne, car les gens viennent des States, du Canada, et même d’Amérique Latine ! Comment vous avez réagi lorsque vous vous êtes rendu compte de sa portée internationale ? 

R: On était à la fois choqués et impressionnés. À la base, on a vraiment monté ce festival pour le public britannique. Ça a vraiment été une énorme surprise de voir tous ces gens venir de l’étranger… Je crois que 40% des ventes de pass viennent de là, c’est énorme ! À partir du moment où tu proposes une belle affiche, il y a des chances pour que les gens remarquent l’évènement, et c’est ça qui est intéressant !

J’ai toujours été curieuse de savoir en quoi consistait votre collaboration avec le Desertfest Berlin. D’ailleurs, qui est à l’origine du « label » Desertfest ? 

R: C’est nous. On bosse avec Sound Of Liberation depuis un moment, donc lorsque j’ai eu l’idée de faire un festival ici, je leur en ai parlé car pouvoir avoir les groupes dont ils s’occupaient était très important pour nous. Ils m’ont dit qu’ils trouvaient l’idée super cool et qu’ils voulaient être partenaires du projet. On a trouvé avantageux de travailler là-dessus ensemble, pour gagner une meilleure visibilité dans toute l’Europe. Ça va être la troisième année que nous sommes partenaires et que l’on travaille conjointement sur les même groupes.

Effectivement, 20 voire 30% des groupes programmés chez vous jouent aussi à Berlin. Les deux festivals se déroulant sur le même week-end, est-ce que ça ne crée pas une forme de concurrence à un moment donné ? Car les gens finissent bien par choisir l’un ou l’autre… 

R: Je pense que l’on voit surtout les points positifs d’une collaboration, et non les inconvénients d’une supposée concurrence. Les Allemands ne viendront pas forcément jusqu’en Angleterre pour le festival, et inversement. J’aime à croire que certains font Londres une année, et Berlin la suivante, car ce sont deux super festivals. Après, c’est juste une question de goûts. On essaie de garder les même têtes d’affiche et pas mal de groupes en commun, mais on propose aussi beaucoup de groupes locaux. En Angleterre, il y a un marché beaucoup plus développé pour tout ce qui est très heavy, voilà ce qui nous différencie vraiment de Berlin.

Tu es déjà allé à celui de Berlin ?

R: Ouais, la première année on ne le faisait pas le même week-end, j’ai donc eu le privilège d’aller là-bas, de me mettre la tête et de passer un super moment (rires). J’ai vraiment adoré ! C’est dommage que ce soit plus profitable pour nous d’organiser nos deux festivals sur le même week-end, car maintenant je ne peux plus aller à Berlin…

L’une des marques de fabrique du Desertfest est d’amener chaque année son lot d’exclus : en 2013, vous avez accueilli la reformation de Unida et les retours monumentaux de Dozer et Lowrider, et en 2014, vous serez les hôtes exclusifs du grand retour de Spirit Caravan après dix ans d’absence. Est-ce vous qui proposez l’idée aux groupes en question, ou bien est-ce que ce sont eux qui viennent vers vous ? 

R: Cette année, je me suis personnellement occupé de courir après ces groupes pour qu’ils se reforment. Je leur ai dit « écoutez les gars, il y a un public pour vous ici, les gens n’attendent que ça ». Au départ, j’ai parlé à Tommi de Dozer et c’est lui qui m’a mis en contact avec les mecs de Lowrider. Je n’y croyais pas, parce qu’ils avaient vraiment disparu de la circulation. Je pense que tous ces groupes se disent « wow, en fait on peut revenir et faire ce qu’on faisait il y a dix ans, parce que les gens sont vraiment à fond ». C’est une perche qu’on leur tend, afin qu’ils se reforment et puissent jouer devant des milliers de personnes lors d’un super week-end. Donc ouais, cette année on va avoir Spirit Caravan, mais on vous réserve une autre grosse surprise qui va être annoncée sous peu. J’aimerais faire ça chaque année, il y a tellement de groupes que les gens aimeraient voir revenir sur le devant de la scène, et ce serait l’occasion pour eux de jouer devant des publics beaucoup plus larges qu’à leurs débuts. C’est excitant !

« …Il y a tellement de groupes que les gens aimeraient voir revenir sur le devant de la scène, et ce serait l’occasion pour eux de jouer devant des publics beaucoup plus larges qu’à leurs débuts.« 

En tant que programmateur du Desertfest, à quoi ressemble une de tes journées type pendant le festival ? 

R: J’ai un associé, dans l’ombre il y a donc quelqu’un qui gère énormément de choses au niveau logistique. Lorsque le festival ouvre ses portes, on peut dire que mon travail est terminé. La raison première pour laquelle j’ai voulu monter ce festival, c’est parce que je voulais passer le meilleur week-end de ma vie, et j’espère que c’est ce que les gens qui y viennent ressentent aussi. Donc je passe mon temps à boire des bières, pendant que ce pauvre Jake fait tout le boulot (rires). Une fois que le week-end démarre, c’est lui le boss et ça me va très bien comme ça.

Et donc, quel est son rôle exactement ?

R: Faire venir soixante groupes, pour la plupart de l’étranger, gérer tous les transports et le matos, gérer leurs trajets de l’aéroport à l’hôtel, de l’hôtel à la salle, puis de la salle à l’hôtel… C’est un cauchemar logistique. On ne peut se garer nulle part à Londres, il y a tellement d’aléas… C’est énorme à gérer ! Mais grâce à Jake, on arrive toujours à faire jouer les groupes à l’heure dans chaque salle, car il fait un boulot monstre à ce niveau-là. On a aussi une équipe qui nous aide chaque année, mais tout le travail de création et de mise en place fait en amont, c’est Jake et moi-même.

En tant que programmateur du festival, quel seraient les groupes que tu rêverais de pouvoir réunir pour un « Desertfest d’exception » ? 

R: Mon lineup idéal ne serait pas forcément le lineup idéal des autres, donc c’est dur à dire. Tu sais, le fait qu’on ait eu Dozer, Lowrider, Truckfighters, Colour Haze et Unida sur la même affiche… Je peux dire qu’on l’a réalisé cette année! Avec Spirit Caravan et Church Of Misery en 2014, on poursuit sur cette voie. Je crée mon lineup de rêve chaque année, et quand je pense que l’édition passée était géniale, la suivante s’annonce encore meilleure !

Je pense que personne ne te contredira, parce qu’en effet, ça a déjà été immense lors des deux premières éditons, et ça va visiblement être énormissime l’année prochaine. Merci pour tout, Reece !  

DESERTFEST LONDRES – Du 25 au 27 avril 2014 à Camden
Pass 3 jours – Site web officiel
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Last modified: 19 février 2014